De La Fortification /

a future Provins est citée dans les textes dès le IIIème siècle après J.C. pour la présence d'un oratoire chrétien. Au IXème siècle, Provins abrite un camp militaire carolingien. Et comme l'endroit est parfaitement adapté à la défense, son occupation ne cessera plus. Composé d'un promontoire entouré par deux rivières, il représente les caractéristiques alors recherchées pour se protéger, un simple mur barrant le promontoire du côté de la plaine de la Brie constitue déjà une solide défense..
Mais le site lui-même n'explique pas la véritable raison du développement de Provins. Celui-ci est en effet étroitement lié aux foires de Champagne qui vont connaître leur apogée aux XIIème et XIIIème siècles.

A partir du XIème siècle, les échanges se développent en Europe occidentale. Plus particulièrement, la France connaît un regain d'échanges à travers ses routes et ses fleuves. Puis, à mesure que le défrichement atteint ses limites, la population ayant fortement cru, le commerce prend son essor. Deux pôles dominent alors l'économie européenne. L'Europe du Nord tout d'abord avec la Ligue Hanséatique (regroupant des villes côtières d'Allemagne du Nord, de Norvège et de Suède notamment) et l'Europe du Sud (avec des villes comme Gênes et Venise) concentrent rapidement des marchands prêts à parcourir l'Europe pour vendre leurs denrées et acheter des produits. C'est donc tout naturellement en Flandre et en Champagne que les deux communautés mercantiles vont se rencontrer pour échanger leurs marchandises. Provins, bénéficiait de plus de la proximité des champs de blé de la Brie et du grand marché de Paris.

Provins a connu l'affaiblissement du pouvoir central légué par Charlemagne, suite à la division de son Empire. Ainsi, les gouverneurs obtinrent peu à peu d'une royauté sans grand pouvoir leur établissement comme seigneurs héréditaires de terres devenues leurs fiefs. C'est ainsi que naquit la lignée des comtes de Vermandois qui donna le jour à la lignée des comtes de Champagne.
Ces derniers perçurent tout l'intérêt qu'il y avait à encourager le commerce. Ce dernier génèrait en effet des revenus (sous la forme de diverses taxes et de péages), du travail pour la population et attirait les artisans représentant eux-mêmes une autre source de revenus stable. Les comtes de Champagne s'attachèrent donc à protéger les marchands pour les inciter à revenir chaque année. En 1148, Thibaud IV le Grand écrit à Saint Louis pour se plaindre du Vicomte de Sens qu'il accusait d'avoir dépouillé des changeurs de retour de la foire de Provins. La protection du seigneur des terres prend la forme d'un "conduit" par lequel il assure la sécurité des marchands (pour les déplacements de jour uniquement cependant).
Au XIIIème siècle, les foires s'enchaînent de façon à ce qu'un marchand puisse les parcourir en succession. Les principales sont : Lagny (janvier - février), Bar sur Aube (mars - avril), Provins (mai - juin), à nouveau Provins et Troyes pour finir. Provins n'est pas seulement un lieu de foire, c'est aussi un centre économique dans lequel on travaille le cuir et le drap. Elle est alors célèbre pour son drap noir teint avec le tanin et des sels de fer.

Parallèlement à l'expansion du commerce et de l'opulence de la ville, ses maîtres entreprennent de la fortifier. Dès le XIIème siècle, Henri II le Libéral, comte de Champagne, lance la construction d'une enceinte enserrant la ville haute (construite sur le promontoire). En 1216, Thibaut IV, qui n'atteindra la dignité comtale qu'en 1222, fait bâtir une muraille protégeant les deux villes.

ais le XIIIème siècle marque un nouveau bouleversement dans le commerce. D'une part l'établissement de liaisons navales régulières entre l'Europe du Sud et du Nord (en 1277 Gênes est reliée à Bruges par la voie maritime), l'amélioration du réseau routier d'autre part et, enfin, l'industrialisation de l'Italie du Nord qui concurrence l'industrie de l'Europe septentrionale, vont largement diminuer l'intérêt des foires de Champagne. Un autre facteur va précipiter le déclin des foires : l'usage des lettres de change, traduisant une monétarisation accrue des échanges, va permettre aux marchands de ne plus avoir à vendre puis racheter dans des foires qui perdent ipso facto leur rôle central.
En 1279, le ralentissement économique de Provins est tel qu'il finit par provoquer des troubles sociaux. Puis, ce sont deux sièges qui viennent la frapper. Enfin ,la puissance des comtes de Champagne s'étant amenuisée, cette dernière passe à la couronne de France en 1314. Si les travaux de fortification reprennent alors, ce rattachement signifie en fait la fin de Provins comme capitale économique. Elle devient alors un gros bourg cerné de riches terres agricoles.

Ravagée par la Peste Noire en 1348, deux fois prise par les Anglais pendant la Guerre de Cent Ans, son déclin ne sera pas exempt de drames. Elle est même d'ailleurs encore assiégée, par Henri IV cette fois, lors des Guerres de Religion.

Il lui faudra attendre 1997 et son classement au Patrimoine mondial de l'UNESCO pour que Provins redevienne une ville à la renommée internationale...

ne visite à Provins est plaisante parce qu'elle permet, à l'instar de Carcassonne par exemple, de se croire un instant revenu quelques siècles en arrière. La promenade le long de l'enceinte de la ville haute offre 800 mètres de remparts et pas moins de 22 tours.
Mais, pour l'observateur attentif, elle est aussi l'occasion de regarder pas moins de trois siècles (XIIème - XIVème) de fortification médiévale.
Les tours sont particulièrement intéressantes. Les plus anciennes sont semi-circulaires et rappellent les constructions romaines. Puis leurs formes se diversifient, leur sommet se garnit de mâchicoulis et le schéma des portes se complexifie.

Précision : les conditions météorologiques particulièrement brumeuses du jour de janvier où ces photos ont été prises ajoutent un caractère artistique aux clichés diront les plus indulgents d'entre vous mais ont aussi empêché de prendre des photos de la Tour de César (tour bâtie sur une motte de 1150 à 1183, remaniée par les Anglais au XIVème siècle). En attendant que j'utilise le scanner ou que j'y retourner, il faudra vous en passer...

L'enceinte de Provins
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les photos signalées par une * s'accompagnent de commentaires complémentaires.
* La Porte de Saint Jean sur la route menant à Paris. (64,3 Ko)
* Détail de la porte et d'une de ses tours en amande à l'appareil en bossage. (30,7 Ko)
La porte de Jouy (vers Meaux et Lagny). (46,2 Ko)
Une vue de l'enceinte et du fossé. (55,1 Ko)
* Autre vue de l'enceinte et illustration du principe de flanquement horizontal résumant le passage de la défense passive à la défense active des places. (53,7 Ko)
La distance séparant chaque tour est à peu près équivalente à la portée d'un arc. (54,1 Ko)
Le champ de tir d'un défenseur depuis le sommet d'une tour. Noter l'absence d'angle mort, le bas de cette tour étant lui-même couvert par les tirs venant de la tour d'en face. (37,7 Ko)
Variété des formes des tours, ici une tour ronde... (29,9 Ko)
... là une tour carrée, remarquer la base talutée permettant de faire rebondir les projectiles jetés du sommet... (31,8 Ko)
... et là une tour octogonale, clairement parmi les plus récentes car équipée de mâchicoulis (alors une innovation). (25,3 Ko)
* Une curiosité, la tour en "V" ou encore en éperon. (35,9 Ko)

écouvrir Provins ne doit pas se limiter à parcourir les enceintes. Il faudra aussi visiter la Tour de César, admirer l'Eglise Saint Quriace, flâner dans la rue aux Juifs et aussi apprécier ces vieilles bâtisses qui constellent la ville haute.

Le bourg de Provins
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Une maison à colombages. (45,3 Ko)
Une autre. (42,1 Ko)
Encore une autre. (38,2 Ko)
La Grange aux Dîmes (comme son nom l'indique, servait à recueillir le produit de la dîme, taxe ecclésiastique payée en nature). (32,7 Ko)

Pour comparer avec d'autres enceintes urbaines, vous pouvez consulter la page consacrée à Guérande, une enceinte urbaine plus récente et plus sophistiquée, ou celle présentant l'enceinte du château d'Angers.