ette page est due
à une remarque qui me semblait justifiée : pourquoi ne pas parler
des canons qui garnissaient ces forts? Pourquoi ne pas donner un aperçu
de l'évolution de l'artillerie?
C'est ce que j'ai fait ici en réunissant toute sorte de données éparses. Je tiens à remercier une nouvelle fois le Dr J.M. Balliet de Colmar pour son concours inestimable (et sa relecture impitoyable!) qui a fait de mon fatras une page vous permettant de découvrir le sujet.
'apparition du canon
est un des évènements majeurs de l'histoire militaire et, de
fait, de l'Histoire tout court. Dès la plus haute Antiquité, le développement
des villes fortifiées oblige les assaillants à se doter de moyens leur permettant
d’abattre les murailles adverses. La création d’une brèche dans la muraille
était donc la vocation première de l’artillerie mais l’envoi de projectiles
enflammés pour incendier la ville était aussi pratiqué pour amener la capitulation
de la ville. Ces pratiques survivront autant chez lez Français incendiant
Montmélian au moyen de boulets rouges en 1605 que chez les Prussiens bombardant
Paris en 1871 ou lors du bombardement de Sarajevo en 1992-1995.
La nature de l’artillerie utilisée dans l’Antiquité et au Moyen Âge est variée.
Catapultes, onagres, balistes, trébuchets, ces engins puisent leur puissance
soit dans un mécanisme de torsion (e.g . la catapulte), soit dans un mécanisme
de contrepoids (e.g . le trébuchet). De même, la nature des projectiles utilisés
est extrêmement diversifiée. Pierres, rochers, boulets cerclés de fer, traits, tonneaux
emplis de matière enflammée, voire carcasses dans certaines
circonstances, la nature de ce que les défenseurs prenaient sur la tête (ou
envoyaient eux-mêmes sur leurs agresseurs!) est édifiante. Cependant, cette
"artillerie" montre des performances limitées. L'énergie cinétique des
projectiles est rarement suffisante pour causer des dommages critiques aux
défenses et sa capacité à tuer des défenseurs demeure faible. En outre, la
précision est généralement faible et la notion de bombardement est encore fortement
tempérée par la chance. Jusqu'au XIVème siècle, les techniques de sape ou de mines,
les machines d’assaut (tours, béliers etc.) et les échelles demeurent des
moyens au moins aussi efficaces d’emporter la décision.
[Trébuchet]
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Date de mise en service : 12ème siècle
Calibre : Non applicable (projectiles de 200 à 400 kilos)
Portée : jusqu'à 220 mètres (56 kilos)
Cadence de tir : 1 à 2 coups/heure
Nombre de servants :
60 à 100 |
Il s'agit en quelque sorte de la pièce d'artillerie "avant la poudre" la plus achevée. Elle nécessitait cependant un personnel nombreux et qualifié (pour la construire et la mettre en oeuvre).
Atteignant jusqu'à 16 mètres de haut et doté d'un contrepoids pouvant peser jusqu'à 18 tonnes, c'est un engin impressionnant mais vulnérable.
(Source principale : site du Château de Batiaz, nombreux exemples de machines médiévales) |

résenter chaque pièce
marquante ou caractéristique d'une époque est une autre façon
de faire comprendre la forme adoptée par les ingénieurs dessinant
les fortifications.
[Bombarde]
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Date de mise en service : 14ème siècle
Calibre : 300 - 500 mm (jusqu'à 930 )
Portée : jusqu'à 200 mètres (50 kilos) mais compter 50 - 60 mètres en fait
Cadence de tir : quelques coups par jour
Nombre de servants :
variable |
La première utilisation d'armes à feu au combat est attestée lors de la bataille de Crécy (1346) où elles n'ont strictement aucun effet hormis le bruit étourdissant qu'elles produisent.
La technique de construction des bombardes tâtonne jusqu'à l'adoption du bronze. Ce dernier présente des qualités d'élasticité bien supérieure à la fonte (qui est elle cassante) ou au fer (trop dur donc difficile à usiner).
En revanche, s'agissant des boulets, le fer l'emporte rapidement sur
la pierre (qui se casse). Ce sont les frères Bureau qui généralisent
l'usage des boulets métalliques, après 1400, et qui
vont organiser et structurer l'artillerie française. C'est
généralement à l'efficacité de cette dernière
que l'on attribue la victoire française à l'issue de
la Guerre de Cent Ans.
La bombarde demeure cependant fixe, lourde (2 à 3 tonnes) et d'un emploi périlleux.
(Sources principales : article très complet des Gentilshommes de la Brette sur les débuts de l'artillerie et article sur la bataille de Morat)
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[Canon "de la Renaissance"]
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Date de mise en service : milieu du 15ème siècle
Calibres : 32, 24, 16, 12, 8, 4 (1)
Portée : 500-1.000 mètres
Cadence de tir : 8 à 15 coups par heure
Nombre de servants : 4/5 hommes |
(1) Il s'agit en fait du poids du boulet en livres (0,46 kg)/ pour un calibre 12, le tube est long de 5 mètres
Avec l'apparition de l’attelage et l'allègement de
la pièce, le canon est doté de mobilité
qui va permettre son utilisation en rase-campagne et plus seulement lors des sièges.
En outre, la standardisation des calibres des boulets et des canons permet une fabrication en masse et la constitution d'un parc d'artillerie facilement ravitaillable. La poudre peut aussi être stockée dans des quantités pré-dosées adaptées au calibre du canon.
L'artillerie devient une réalité sur le champ de bataille et c'est Charles VII (ordonnances de 1445-1448) qui dote la France de la première artillerie européenne.
Un certain nombre de réformes successives interviennent jusqu'à la Révolution se traduisant par des tentatives plus ou moins réussies de réduire le nombre de calibre et de normaliser les matériels.
(Sources principales : article sur l'armée espagnole et Quid )
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[Canon de 12 de campagne Gribeauval]
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Date de mise en service : 1765
Calibre : 129,3 mm (1)
Portée : 3.600 mètres (en pratique 300-400 mètres )
Cadence de tir : 8 à 12 coups par heure
Nombre de servants : 15 |
(1) Tirant un boulet de 12 livres i.e. un peu moins de 12 kg à 520 m/s.
Gribeauval réorganise l'artillerie française en diminuant
encore le nombre de calibres et en répartissant les pièces
entre "campagne" (groupe auquel appartient ce canon de
12) et "siège" ou "de place". Mais il
standardise surtout la production des tubes et des affûts,
il améliore le chargement de la pièce par l'usage
d'une munition encartouchée qui augmente la cadence de tir
et il renforce la mobilité de la pièce (en l'allégeant
et la dotant d'une prolonge qui permet le tir sans dételer).
Enfin, le pointage est grandement amélioré (donc la
précision) par l'utilisation d'une vis réglant l'élévation
du tube.
Il le fait avec tant de succès que le système Gribeauval
appuiera le succès des armes françaises sous la Révolution,
sous l'Empire et jusqu'en 1827 (introduction du système Vallée).
Les projectiles sont de deux types : boulet et cartouche à
balles (canister en anglais). Les premiers permettent d'allonger
la portée pratique jusqu'à 500-600 mètres en
faisant ricocher le boulet sur le sol.
La pièce de 12 pèse 1,6 tonnes (affût inclus). Le nombre de servants d'une pièce de place (dans un fort) tombe à 5.
(Sources principales : site de JM Balliet, matériel des servants sur le site de Yorktown, caractéristiques sur le site napoléonien 1804 et illustrations du site consacré à Bonaparte L'Envol) |
[Canon rayé "La Hitte" ]
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Date de mise en service : 1859
Calibre : 86,5 mm
Portée : 2.400 mètres
Cadence de tir : 3 coups par minute
Nombre de servants : 5 |
Les caractéristiques données sont celles d'un canon de 4 (obus de 4 kg, on ne compte plus en livres mais désormais en kg) qui est une pièce de campagne.
Le fût du canon est équipé de fines rayures qui obligent l'obus (de forme oblongue et non plus sphérique comme le boulet) à tourner sur lui-même lors du coup de départ, acquérant ainsi une vitesse initiale beaucoup plus grande (325 m/s).
La portée et la précision du canon s'en trouvent améliorées.
Ce canon sera opposé au Krupp prussien à chargement
par la culasse et c'est la qualité des fusées armant
les projectiles allemands qui emportera la décision sur le
terrain plutôt que le chargement par la culasse.
(Sources principales : site consacré à la Bataille de Mars La Tour en 1870 ) |
[Canon de 155 mm De Bange]
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Date de mise en service : 1877
Calibre : 155 mm
Portée : 12.700 mètres
Cadence de tir : 1 à 2 coups par minute
Nombre de servants : 6 |
Le lien ci-dessus mène à la page consacrée au système De Bange.
L'obus pèse 41 kilos (18,3 pour un canon de 120 mm dont la portée est de 12.400 m) et nécessite une charge de poudre (en gargousses) de l'ordre de 100 kilos. Il est propulsé à 515 m/s.
La pièce pèse 5,7 tonnes (2,7 pour le 120).
(Sources principales : site d'artillerie polonnais et site dédié au système De Bange)
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[Canon Skoda 305 mm]
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Date de mise en service : 1911
Calibre : 305 mm
Portée : 11.800 mètres
Cadence de tir : 10 coups par heure
Nombre de servants : 12 (50 pour la logistique) |
Cette pièce a été
spécialement étudiée pour détruire
les forts. Ces mortiers réduiront les forts belges de Namur
et d'Anvers avant d'être dirigés sur le camp retranché
de Maubeuge (et ils feront ainsi défaut aux allemands approchant
de Paris, forçant un mouvement des armées qui amènera
la contre-attaque de la Marne).
Cette pièce pèse 25 tonnes et expédie des
projectiles de ... 380 kilos (sans compter la charge de poudre)!
Pour avoir une idée, la photo ci-jointe (cliquer
ici) d'un obus de 420 mm donne une idée de la monstruosité
de ces pièces (photo prise au musée du Fort de Loncin).
(Sources principales : CD Rom consacré
au fort de Troyon - épuisé )
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our en savoir (beaucoup)
plus, rendez-vous sur le site artillerie.info
de J.M. Balliet. Vous y trouverez notamment des pages dédiées
à chacune des époques évoquées et des illustrations
des pièces. Une série de clichés porte notamment sur
un fort Séré de Rivières et son artillerie photographiés à
la fin du XIXème siècle.
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